Chroniques de La Région

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Les chroniques de la collection précieuse

Depuis 2018, des chroniques paraissant dans le journal La Région font découvrir les petites et les grandes histoires des ouvrages de la collection précieuse !

Textes: Juliette Reid

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Tout est bon dans la vipère!

Moyse Charas était un pharmacien français du XVIIe siècle et s’il était convaincu d’une chose, c’est que la vipère est une panacée: en poudre comme antidote contre les morsures de serpent ou comme remède contre de nombreuses maladies dont la peste, dégustée cuite pour bénéficier des vertus purifiantes et même rajeunissantes de sa viande, toutes les parties de son corps sont utiles. Les dames italiennes de l’époque ne s’y trompaient d’ailleurs pas en consommant de la vipère pour entretenir leur beauté. Il semblerait même que porter autour du cou un cerveau de cette bête favorise la pousse des dents chez les enfants. En outre, Charas nous précise que la chair des vipères est particulièrement succulente et qu’elle peut être assaisonnée avec du thym, de la cannelle ou des clous de girofle. Il comprend toutefois que cette viande puisse en dégoûter plus d’un.

Charas n’est pas arrivé à ces conclusions sans avoir longuement étudié ces reptiles. Son ouvrage de 1669 Nouvelles expériences sur la vipère : où l'on verra une description exacte de toutes ses parties, la source de son venin, ses divers effets foisonne de détails anatomiques et décrit un grand nombre d’expériences scientifiques. On découvre ainsi que la fumée de tabac n’a aucun effet sur les vipères tandis que l’alcool les rend étourdies et agitées et que le sucre les tue. Charas fut même aux premières loges pour observer les effets d’une morsure de vipère sur un humain lorsqu’une connaissance en fut victime en manipulant maladroitement un des serpents du pharmacien. On vous rassure : grâce aux bons soins de Charas, l’homme s’en remit sans séquelles, après plusieurs jours d’intense souffrance. Indiquons encore que Moyse Charas n’avait rien d’un obscur charlatan, puisqu’il fut récompensé en 1680 pour avoir soigné la fièvre du roi Charles II d’Angleterre. L’histoire ne dit pas s’il administra au roi de la poudre de vipère…

Nouvelles expériences sur la vipère

Le bien-être des oiseaux il y a 127 ans

Aujourd’hui, c’est un recueil de 1895 de « Animal World », le journal de la Royal Society for the Prevention of Cruelty to Animals, la Société protectrice des animaux britannique, qui a retenu notre attention. Créée en 1824, la société avait dans un premier temps le souci de protéger le bétail de la maltraitance. Dans les années suivantes, ses luttes se sont étendues à la maltraitance des chiens et des autres animaux domestiques puis aux combats d’ours et de coqs.

Son mensuel « Animal World » proposait des articles sur le fait de tailler les oreilles des chiens, les corridas ou les abattoirs, des histoires où le personnage principal était un chat ou une araignée, des poèmes sur les chevaux ou de brèves informations comme le décès du vieil ours polaire d’un zoo de Londres. La gravure ci-contre accompagnait un article sur les réglementations de la chasse des petits oiseaux. On y aperçoit deux hommes suspendus dans le vide, à la recherche d’œufs dans les nids situés dans les falaises, une pratique qui avait été interdite l’année précédente. Le bien-être des oiseaux est très présent dans le journal. Un texte en particulier donna ensuite lieu à un long débat dans le courrier des lecteurs. L’autrice défendait le droit des personnes défavorisées à posséder des oiseaux en cage, arguant qu’il fallait leur laisser ce loisir peu coûteux. Les réactions furent vives, bien que formulées avec la politesse britannique de rigueur. Les opposants et les partisans de cette pratique, dont les vendeurs d’oiseaux, ont dialogué vigoureusement par lettres interposées. L’ensemble de ces échanges animés n’est pas sans rappeler certaines altercations qu’on peut lire sur Internet de nos jours, la politesse en moins.

Le bien-être des oiseaux il y a 127 ans

La précision suisse

Si le nom de Leonhard Zubler ne vous dit rien, vous n’êtes certainement pas seul. Et pourtant, ce Zurichois est à l’origine d’instruments qui ont connu un franc succès à son époque, à tel point qu’il ouvrit une boutique en 1608. Sur cette gravure extraite de l’ouvrage de 1607 Fabrica et usus instrumenti chorographici, il nous présente, avec une fierté non dissimulée, son « instrument chorographique ». Cet outil sera renommé par la suite une planchette. Le terme « chorographie » désignait dans le passé la description d’un pays ou d’une région en opposition à la géographie qui décrit la terre dans son ensemble.

Habituellement posé à plat, l’instrument est constitué d’une boussole, que l’on voit au-dessus du carré, d’une réglette graduée en pouces et degrés et de deux pinules, les pièces fixées de chaque côté de la boussole. Le tout permet de mesurer des éléments du paysage et de les reporter sur un plan qui servira à représenter une région ou à planifier des procédures militaires. Parmi les magnifiques gravures qui enrichissent les ouvrages de Zubler, on retrouve d’ailleurs plusieurs scènes de guerre. Celles-ci illustrent par exemple comment ses appareils permettent de déterminer à quelle distance placer un canon pour que le boulet atteigne sa cible. D’autres scènes sont bien plus bucoliques et montrent le calcul de la hauteur de sommets de montagnes ou de clochers dans la campagne. Les inventions novatrices de Zubler nous amènent à le considérer aujourd’hui comme un des premiers mécaniciens de précision suisses.

La précision suisse

L’Angleterre vu par un Français, il y a 320 ans

Alors que tous les regards sont actuellement tournés vers le Royaume Uni, nous avons déniché dans notre collection précieuse un livre qui nous fait découvrir la vie dans ce pays il y a plus de 300 ans : Mémoires et observations faites par un voyageur en Angleterre, publié en 1698 à la Haye. Son auteur, Maximilien Misson, a traversé la Manche pour observer le royaume et ses habitants. Apparemment pressé de faire connaître son expérience, il a choisi de de ne pas perdre de temps à récrire ses notes dans un style soigné mais de les présenter sous forme de dictionnaire.

Le livre regorge d’informations très variées sur le pays à la fin du XVIIe siècle : on apprend que les taureaux sont bien moins féroces en Angleterre qu’en France, que les rhumes y sont particulièrement mortels, que tuer un coq à coups de bâton est « une chose bien divertissante » faisant partie des loisirs des Anglais ou que toute une tradition existe autour de la Saint Valentin. Bien qu’une certaine rivalité entre la France et l’Angleterre soit sensible à travers l’ouvrage - l’article concernant les herbes est entièrement consacré à la sottise des Anglais, persuadés que les Français ne se nourrissent que d’herbes et de racines – Misson montre une certaine bienveillance envers ses voisins. Il apprécie particulièrement l’architecture de certains bâtiments, comme la Tour de Londres ci-contre. Il signale que c’est en Angleterre qu’on fabrique les meilleurs couteaux (mais les plus mauvais ciseaux) et que la bière est bonne (mais le vin est mauvais). Misson rapporte également une rumeur, qu’il dément, selon laquelle les habitants ajoutaient du sucre dans tout ce qu’ils mangeaient. La mauvaise réputation de la nourriture anglaise ne date donc pas d’hier…

L’Angleterre vu par un Français

C’est l’heure du bain !

Les bains thermaux, on connaît bien dans la région. Or, ce n’est pas aux bains d’Yverdon que nous allons faire trempette aujourd’hui, mais à ceux d’Aix-la-Chapelle en Allemagne. Les sources minérales aixoises sont connues depuis l’Antiquité. Elles ont attiré l’attention d’un médecin belge du XVIIe siècle, Jean-François Bresmal, qui publia en 1703 son Hidro-analise des minérales chaudes et froides de la ville impériale d'Aix-la-Chapele. On y apprend que la ville comptait à l’époque de Bresmal six piscines pour se baigner et suer. Les trois bassins chauds contenaient de l’eau avec des températures plus ou moins élevées, ce qui leur valut les noms de « Paradis », « Purgatoire » et « Enfer ». Ce dernier était, d’après Bresmal, difficilement supportable.

Au vu de leur air décontracté, les personnages de la gravure ci-contre ne sont vraisemblablement pas dans ce bassin brûlant. Près des baigneurs, on remarque une sorte de thermomètre. L’auteur fait l’éloge de cet instrument qui n’avait été inventé qu’une cinquantaine d’années auparavant et qui lui semble de la plus grande utilité pour la fréquentation des bains chauds. Bresmal inclut dans son livre un grand nombre de constations chimiques et médicales, mais son sérieux ne l’empêche pas de dévoiler un certain sens de l’humour. Dans un chapitre traitant des réactions entre les minéraux contenus dans les eaux, il nous suggère une farce à faire à un ami : faites en sorte qu’il se lave les mains avec de l’eau dans laquelle vous aurez dissout du vitriol ferreux puis fournissez-lui une serviette saupoudrée de noix de galle pour se sécher. Plus votre ami se frottera les mains sur la serviette, plus elles deviendront violettes. Il ne vous reste donc plus qu’à vous procurer du vitriol ferreux et de la noix de galle avant de faire une bonne blague lors de votre prochain dîner entre amis…

C’est l’heure du bain !

Sinople à deux fasces ondées d'argent

Est-ce que votre famille possède des armoiries ? Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, elles ne sont pas réservées aux familles nobles et il est encore possible d’en faire créer aujourd’hui. Si vous souhaitez vous lancer dans la composition de votre propre armoirie, nous vous recommandons la lecture de La nouvelle méthode raisonnée du blason pour l’utiliser d’une manière aisée. Ecrit en 1701 par Claude-François Menestrier, ce livre contient toutes les explications nécessaires pour comprendre la symbolique des blasons. Il faudra toutefois vous accrocher, car comprendre le langage codifié utilisé n’est pas aussi aisé que le suggère Menestrier...

Le livre est écrit en forme de dialogue, avec des questions posées par un élève et les réponses de son maître. L’auteur joue avec ce style : l’élève interrompt parfois son maître, celui-ci refuse de répondre à certaines questions en disant qu’il y reviendra plus tard. Menestrier reconnaît lui-même la complexité de son sujet lorsqu’il fait dire à l’élève « Vous m’accablez de termes auxquels je ne comprends rien ! ». Il faut reconnaître que le vocabulaire des blasons est particulièrement énigmatique : la couleur blanche se dit « argent », le vert « sinople » ou le noir « sable ». Un lion en train de marcher et dont on voit les deux yeux est un léopard et un aigle sans bec et sans pieds est un alerion. Grâce aux explications de Menestrier, nous pouvons donc décrire les armoiries de la Ville d’Yverdon-les-Bains comme étant « de sinople à deux fasces ondées d'argent, au chef d'argent chargé d'un Y gothique d'or » : deux vagues blanches sur fond vert avec un Y jaune sur fond blanc au sommet.

Sinople à deux fasces ondées d'argent

Des gravures de plantes vivantes, ou presque

L’illustration de bardane que vous découvrez ci-contre a été produite par Hans Weiditz, un graveur remarquable du début du 16e siècle. Elle figure parmi de nombreuses autres dans Herbarum vivae eicones, « Images de plantes vivantes », publié entre 1532 et 1536. Cet ouvrage est reconnu comme une œuvre majeure de son époque et son auteur, Otto Brunfels, est considéré comme l’un des pères de la botanique allemande.

Cependant, ce ne sont pas les textes de Brunfels, essentiellement compilés à partir d’ouvrages antérieurs, qui en constituent l’intérêt principal, mais les illustrations de Weiditz. Celles-ci se démarquent de celles de ses prédécesseurs par leur grand réalisme. Les figures tracées d’un trait fin ont été réalisées à partir de l’observation de modèles réels avec un souci du détail qui se retrouve jusque dans les dégâts subis par la plante. Si vous observez attentivement la bardane présentée ici, vous constaterez qu’elle n’est pas au sommet de sa forme : ses feuilles sont en partie fanées, certaines ont été grignotées par des insectes et une branche est même cassée. Le réalisme innovant adopté par Weiditz fit des envieux et lui valut d’être recopié. Cela donna même lieu à un procès pour plagiat. Le plagiaire se justifia alors en rappelant que la nature ne peut être protégée par des droits d’auteur. Un exemple de mauvaise foi vieille de presque 500 ans…

Des gravures de plantes vivantes

Des quadrupèdes ovipares qui n’ont point de queue

Cette petite boule avec des pattes et à la mine renfrognée est une grenouille. A première vue, l’image de cette créature aux allures de Pokémon pourrait suggérer une certaine fantaisie de la part de l’artiste du 18e siècle qui réalisa la gravure. Or, après une rapide recherche en ligne, il s’avère qu’elle existe bel et bien sur le continent africain et qu’elle porte le nom scientifique de breviceps gibbosa. Elle fait partie des nombreuses espèces de grenouilles et crapauds répertoriées dans l’Histoire naturelle des quadrupèdes ovipares et des serpens du naturaliste français Etienne de Lacépède dont les deux tomes ont été publiés en 1788 et 1789. Le livre de Lacépède présente les animaux sous le nom commun qui leur était donné à son époque. On remarque que les appellations des grenouilles et crapauds sont en général inspirées par leur forme (la breviceps gibbosa est nommée « la bossue ») leur cri (« la sonnante », « la mugissante ») ou leur couleur (« la rouge », « la couleur de lait »). En revanche, aucune explication logique n’est donnée pour « la Jackie », une grenouille du Surinam qui, au cours de sa vie, perd ses pattes et devient un poisson.

Précisons encore que la gravure de la petite grenouille bossue ainsi que plusieurs autres de l’Histoire naturelle des quadrupèdes ovipares ont été réalisées par l’illustratrice Marie-Anne Rousselet. Ses œuvres, signées « Veuve Tardieu », illustrent plusieurs œuvres d’histoire naturelle de la fin du 18e et du début du 19e siècle.

Des quadrupèdes ovipares qui n’ont point de queue

De l’art de tout distiller (vraiment tout)

On s’en doutait : il y a 350 ans, les remèdes étaient différents de ceux de maintenant. Le pharmacien bâlois Christophe Glaser le confirme dans son Traité de la chymie de 1663. Glaser définit la chimie comme le fait de purifier et extraire les principes actifs de diverses matières organiques ou minérales. Son traité décrit en détail les outils et les étapes nécessaires pour obtenir ces principes actifs et énumère les maladies qu’ils soigneront. De belles gravures représentant des récipients et des alambics illustrent son propos. Ici, on admire un élégant modèle à canal en forme de serpent au centre et un joli aludel à droite. Glaser fournit des recettes d’alchimie et des techniques de distillation de plantes encore utilisées de nos jours en phytothérapie mais il a également recours à des matériaux plus… inattendus.

On trouve dans le manuel des méthodes de purification du plomb, du mercure ou de l’arsenic destinées à créer des remèdes à usage externe ou interne. On découvre aussi le procédé pour produire de l’opium qui apaise les esprits irrités et provoque le sommeil ou celui pour purifier la rosée du mois de mai et l’eau de pluie du mois de mars. Les derniers chapitres du livre abordent des ingrédients qui nous sembleront encore plus ahurissants : on y apprend la technique pour réaliser des extraits d’urine, de sang (prélevé chez des hommes jeunes et de bonne complexion) ou de crâne humain, dont les propriétés sont particulièrement efficaces contre l’épilepsie. Relevons encore que l’abandon de la distillation de la chair de vipère est très regrettable, puisqu’elle est signalée comme efficace pour guérir, entre autres affections, toutes les fièvres, la paralysie ou la peste. L’extrait de cloportes guérirait, quant lui, les cancers. Comme nous le disions plus haut, la pharmacologie a passablement évolué depuis le XVIIe siècle.

De l’art de tout distiller (vraiment tout)

Poésie vaudoise

Ah, le printemps avec ses fleurs colorées, ses papillons voltigeant à travers les airs, ses petits agneaux gambadant dans les prés… Tout cela nous met d’humeur poétique et explique le choix de notre livre d’aujourd’hui : les Poésies helvétiennes du Vaudois Philippe Sirice Bridel, publié à Lausanne en 1782. Bridel accordait une grande importance à la création d’une « poésie nationale » suisse qui mettrait en valeur le pays, le rendant plus intéressant pour ses habitants et donnant envie aux étrangers de le visiter. Les personnages de ses odes sont « des êtres libres, pauvres mais tranquilles et sages » qui évoluent dans les vallées des Alpes ou au bord du lac Léman. A l’époque de Bridel, plusieurs auteurs alémaniques avaient rédigé ce genre de poésie louant les qualités de la Suisse, mais très peu de romands. Bridel avait donc à cœur de remplir cette lacune avec des œuvres telles que « Le lac Léman », « Le vieillard suisse » ou un récit de voyage dans les Alpes mêlant prose et vers. Certains des poèmes du recueil sont par ailleurs prévus pour être chantés. C’est le cas de « L’avalanche », composé sur l’air bien connu (au XVIIIe siècle) de « Edvin et Emma ».

Malheureusement, malgré nos recherches, cette mélodie reste mystérieuse, ce qui ne nous empêche pas de savourer ce récit émouvant. « L’avalanche » raconte l’aventure d’Edwige et Ferdinand, un berger et une bergère unis par un amour fou. Hélas, un jour c’est le drame : alors que Ferdinand chasse un chamois dans la forêt, une avalanche ensevelit le chalet du couple, emprisonnant Edwige et leur bébé. Les efforts des villageois pour dégager le chalet restent vains. Seul Ferdinand poursuit ses recherches avec acharnement et parvient finalement à dégager la cheminée du chalet. Il se glisse à l’intérieur par le conduit et retrouve Edwige et leur fils sains et saufs, nourris grâce à une chèvre qui se trouvait avec eux. De braves paysans montagnards, de la neige, des chèvres : les ingrédients réunis ici par Bridel ne sont pas sans rappeler ceux que reprendra 100 ans plus tard Johanna Spyri dans l’histoire de Heidi, la plus suisse des héroïnes.

Là-haut sur la montagne...

Eléments liés

Poésies helvétiennes

Le développement personnel au XIXe siècle

Dans la collection précieuse de la Bibliothèque d’Yverdon, on trouve un agenda. Etrange… Pour quelle raison cet objet du quotidien mérite-t-il une place parmi les ouvrages prestigieux conservés soigneusement depuis des siècles ? En l’examinant de plus près, on remarque rapidement qu’il ne s’agit pas d’un simple calendrier dans lequel on peut noter ses rendez-vous chez le dentiste, mais d’un système bien plus élaboré. L’Agenda général ou Mémorial portatif universel de Marc-Antoine Jullien est divisé en six parties permettant de consigner non seulement ses activités, mais aussi son état physique et moral, ses dépenses, ses lectures, sa correspondance, les noms des personnes rencontrées et toute autre information que son utilisateur pourrait juger nécessaire de mettre par écrit afin de décharger son esprit. Bref, une sorte de « bullet journal » avant l’heure.

Cette méthode, publiée en 1815 et qui n’a rien à envier aux conseils des spécialistes en développement personnel d’aujourd’hui, est décrite en détail dans une longue introduction. Sans complexe, l’auteur annonce que son outil servira à la fois à mettre à profit le passé, gouverner le présent et régler d’avance sa vie future. En résumé, il améliorera considérablement notre vie et tout cela en un maximum de 8 à 10 minutes par jour. Nous voilà rassurés sur la présence de ce document dans une collection précieuse. Mais une question subsiste : qui est son auteur Marc-Antoine Jullien et pourquoi a-t-il remis lui-même son livre à la bibliothèque, comme en atteste un ex dono sur la page de garde ? Dans sa jeunesse, Jullien est un révolutionnaire français proche de Robespierre. Par la suite, il se passionne pour la pédagogie et fait la connaissance de Pestalozzi à Yverdon. Un lien fort se tisse entre les deux hommes et Jullien envoie trois de ses enfants à Yverdon pour suivre l’éducation de Pestalozzi. Ravi de l’accueil qu’il reçut dans notre région, il fit parvenir à la bibliothèque plusieurs de ses ouvrages, dont son agenda.

Le développement personnel au XIXe siècle

Les petits bonheurs

Aujourd’hui, nous aurions pu vous parler de l’éminent scientifique hollandais du XVIIe siècle Christiaan Huygens. Ce personnage passionnant qui joua un rôle important dans l’avancée des mathématiques, de l’astronomie et de la physique avait tout pour rendre cette chronique savoureuse : la construction de la première horloge à pendule, la découverte de Titan, plus grande lune de Saturne, et le calcul de la force centrifuge ne sont que quelques-unes des nombreuses réalisations que comprend son curriculum vitae. Nous avions même repéré un livre particulièrement intrigant dans notre collection précieuse : le Cosmothéoros, imprimé en 1698, dans lequel Huygens envisage la vie sur d’autres planètes du système solaire que la nôtre. Un savant du XVIIe siècle qui parle d’extraterrestres ? Voilà de quoi piquer notre curiosité.

Et pourtant, à l’intérieur de ce volume qui sommeillait sur un rayon du fonds ancien, c’est une autre surprise qui nous attendait. D’elles-mêmes, les pages se sont ouvertes non pas sur la belle gravure de Saturne que nous cherchions, mais sur deux petites tiges de plantes pressées. Celles-ci portaient des étiquettes indiquant leur espèce, un « sedum pyramidale » et un « lychnis sylvestris », suivie de deux initiales, L. B, le tout rédigé dans une élégante écriture qui laissait supposer que leur présence dans le livre ne datait pas d’hier. Qui donc s’est servi d’un traité d’astronomie vieux de plus de 300 ans pour la réalisation de son herbier ? Un membre de la famille du docteur Bourgeois qui fit don du volume à la bibliothèque en 1773 ? Un lecteur peu scrupuleux qui emprunta le document dans les années qui suivirent son arrivée dans la collection ? Pour l’instant, le mystère reste entier. Mais la découverte de ces deux petites plantes fleuries là où on ne les attendait pas démontre que le riche fonds précieux de la bibliothèque a encore de belles surprises à nous dévoiler.

Les petits bonheurs

Hissez les voiles - Hijs de zeilen!

Imaginez ceci : vous vous lancez dans la traduction de la biographie d’un amiral hollandais sans être particulièrement calé en vocabulaire maritime. Google traduction ne vous est d’aucun secours (on est au début du 18e siècle) et les lexiques sur lesquels vous parvenez à mettre la main sont incomplets ou peu précis. Que feriez-vous ? Eh bien, vous rédigeriez vous-même un dictionnaire pour remédier à cette fâcheuse situation ! C’est ce qu’a fait Nicolas Aubin, auteur du Dictionnaire de marine : contenant les termes de la navigation et de l’architecture navale. Aubin, un pasteur français exilé aux Pays-Bas à partir de 1683, entama à Amsterdam une carrière littéraire pour subvenir à ses besoins. C’est suite à la traduction de la biographie de l’amiral hollandais Michel de Ruyter qu’il produisit son dictionnaire de marine, œuvre qui est aujourd’hui une source capitale pour nos connaissances de la marine au XVIIe siècle.

Publiée d’abord en 1702 puis réédité en 1722, édition que l’on trouve à la Bibliothèque publique et scolaire d’Yverdon-les-Bains, le dictionnaire contient des définitions détaillées des termes techniques navales. Les textes sont accompagnés d’une multitude de gravures de bateaux, d’instruments et même de pièces de charpente. Les figures ci-contre présentent deux instruments astronomiques utilisés en mer à cette époque: une arbalète à glace et un nocturlabe. L’arbalète à glace possède un petit miroir, à droite sur l’image, qui réfléchit les rayons du soleil et permet de calculer à quelle distance on se trouve de l’équateur. Le nocturlabe, lui, sert à calculer l’heure pendant la nuit, en fonction de la distance de l’étoile du Nord par rapport au pôle, un peu à la manière d’un cadran solaire nocturne. Pour parfaire votre culture générale et vous permettre de briller lors d’un futur repas entre amis, nous avons le plaisir de vous apprendre que ces instruments se nomment « spigelboogh » et « nachtwijssen » en néerlandais. Tot binnenkort !  

Hissez les voiles - Hijs de zeilen!

Un numéro « spécial Noël » de 1895 !

Le sapin de Noël scintille sur la place Pestalozzi, une odeur de vin chaud flotte dans les rues, il n’en fallait pas plus pour que nous plongions dans notre collection précieuse à la recherche d’un document adapté à la saison festive. C’est ainsi qu’un recueil de numéros de La Suisse romande illustrée a attiré notre attention. Cette revue n’a paru que pendant deux ans de 1894 à 1896, avant de disparaître discrètement. Elle était à la fois informative et divertissante, proposant de nombreuses photographies et gravures, des textes littéraires ou culturels, de courtes informations scientifiques ou ménagères et même des jeux, des devinettes et des blagues. On notera que l’humour a bien changé depuis le XIXe siècle. Un exemple : « Professeur (s’arrêtant au milieu de la rue) : Sapristi, je dois avoir oublié quelque chose : mais j’ai oublié ce que j’ai oublié. »

En novembre 1895, La Suisse romande illustrée annonçait un numéro de Noël particulièrement soigné avec de belles gravures et photographies. Hélas, en décembre, on apprenait qu’un accident avait gâché une partie des illustrations et que la mise en page avait dû être entièrement remaniée à la dernière minute, ruinant la présentation. Cela ne diminue en rien le plaisir qu’on peut avoir à parcourir ce journal qui propose, entre autres, une histoire des traditions de Noël à travers les âges, un appel aux plus jeunes à faire don de leurs jouets inutilisés aux enfants moins privilégiés, un conte de Noël à l’issue tragique et, pour notre plus grand régal, quelques recettes de saison : choucroute, crème aux châtaignes ou « riz en punsch » dont on ne résiste pas à l’envie de partager avec vous la préparation.

Riz en punsch

Cuire ¼ de kilo de beau riz dans de l’eau en évitant de le rendre en bouillie. Verser dans un tamis et rafraîchir en versant dessus de l’eau froide. Entre temps, on a fondu 125 grammes de sucre avec un verre de vin blanc auquel on a ajouté le jus d’un citron, une demi tasse de bon rhum et enfin le riz bien égoutté. Mêler le tout en faisant bien attention de ne pas écraser le riz. Mettre sur le feu et faire donner quelques tours après quoi on verse le tout dans une terrine préalablement rincée à l’eau froide. Garnir de fruits confits ou de gelée et de crème fouettée.

Un numéro « spécial Noël » de 1895 !

Des annotations bienvenues!

Vous vous en doutez : les bibliothécaires n’apprécient pas du tout les annotations dans leurs livres. Eh bien, une fois n’est pas coutume, nous ne récriminerons pas contre les auteurs des inscriptions dans notre exemplaire de l’Histoire et annales d’Yverdon depuis les temps les plus reculés jusqu’à l’année 1845 écrit par le pasteur Alexandre Crottet en 1859. Ces notes ont été rédigées par trois passionnés d’histoire yverdonnoise : l’architecte, ancien syndic et directeur de la bibliothèque John Landry, le directeur du collège d’Yverdon et historien Léon Michaud et Georges Kasser, pharmacien féru d’histoire. Jusque dans les années 1960, ils ont chacun apporté des précisions et des corrections au texte du Pasteur Crottet et ajouté une quantité d’informations, d’illustrations, de photographies et de coupures de presse. L’œuvre, qui était déjà une mine d’informations sur l’histoire d’Yverdon dans son état d’origine, se trouve considérablement enrichi par tous ces ajouts et se feuillette avec émerveillement.

C’est après s’être lancé dans l’étude des archives yverdonnoises pour retracer sa généalogie que Crottet se prit de passion pour l’histoire de la ville. Il produisit un épais livre présentant les différentes périodes de son développement et un compte-rendu chronologique d’informations extraites des registres, comptes et autres documents régionaux. Des traces des débuts de la bibliothèque figurent notamment dans l’ouvrage : on y lit qu’en février 1763, la Société économique d’Yverdon sollicite la ville pour soutenir la création d’une bibliothèque publique. Le grand conseil « ne trouve pas qu’un tel établissement puisse procurer de bien grands avantages à cette bourgeoisie », mais accepte tout de même d’accorder 400 francs pour son établissement, à condition qu’elle ne puisse être transportée hors de la ville ni dissoute sous aucun prétexte. Bien leur en a pris, puisque près de 260 ans plus tard, la bibliothèque publique accueille chaque jour de nombreux visiteurs.

Des annotations bienvenues!

Le marketing au XVIe siècle

Comme le mois dernier, c’est à nouveau un livre de mathématiques qui a retenu notre attention aujourd’hui. Mais, rassurez-vous, il ne sera pas question de divisions et d’équations, mais plutôt des lapins présents sur la page de titre. Que viennent faire ces quatre petites bêtes dans un livre d’arithmétique du philosophe et mathématicien latin Boèce ? L’explication est liée non pas au sujet du livre ou à son auteur, mais à l’éditeur de l’œuvre, Simon de Colines dont on aperçoit les initiales S.D.C. entre les lapins. Pour choisir sa marque de fabrique, l’éditeur parisien aurait fait un jeu de mots entre son nom, Colines, et le terme utilisé en ancien français pour désigner les lapins : conils.

Si ces animaux sont présents sur de nombreuses de pages de titres des livres publiées par Simon de Colines, ce n’est pas la seule marque que ce dernier utilisait. Certaines œuvres portent un « logo » différent représentant un satyre. L’éditeur aurait utilisé ces différentes images pour distinguer les catégories de livres qu’il publiait, devenant ainsi le premier à créer la notion de collection parmi les œuvres qu’il proposait. C’est donc un ancien exemple de marketing qu’on peut constater dans cet ouvrage qui fête cette année ses 500 ans. Pour la petite histoire, Simon de Colines serait également le premier en France à avoir utilisé les caractères italiques. La bibliothèque publique et scolaire d’Yverdon-les-Bains possède deux autres éditions de Simon de Colines, l’un portant un satyre, l’autre sans dessin distinctif.

Le marketing au XVIe siècle

Un cours de maths du XVIIIe siècle

Alors que les écoliers vaudois profitent d’une dernière semaine de vacances avant la rentrée, nous avons choisi de vous plonger dans une ambiance studieuse avec le magnifique manuscrit illustré d’Elie Bertrand, Geometria practica compendium. Datant de 1735, cet ouvrage d’une trentaine de pages rédigées en latin présente de nombreux théorèmes, corollaires et problèmes mathématiques. Malgré un sujet relativement fastidieux, l’élégante écriture de son auteur et ses schémas précis apportent un charme indéniable à ce document.

Contrairement à ce que pourraient laisser supposer ces pages, ce n’est pas des mathématiques qu’Elie Bertrand était épris, mais de la minéralogie et de l’étude des fossiles. Après avoir officié comme pasteur à Ballaigues, Orbe et Berne puis être devenu précepteur de deux jeunes comtes en Pologne, il vécut entre Yverdon et sa maison de campagne à Champagne où il tenait salon et publiait des livres d’histoire naturelle. En 1761, Bertrand fit partie d’une entreprise de haute importance pour la ville d’Yverdon, en devenant membre fondateur de la Société économique de la ville et de sa bibliothèque publique. Il ne se doutait certainement pas alors que cette institution conserverait encore ses imprimés et manuscrits 260 ans plus tard !

Un cours de maths du XVIIIe siècle

Le fitness de nos arrière-grands-mères

L’ouvrage que nous avons sélectionné aujourd’hui dans notre collection ancienne fourmille de conseils pour rester en bonne santé ou se soigner. La femme, médecin du foyer de 1905 écrit par la doctoresse Anna Fischer et traduit de l’allemand par les doctoresses Azema et Kaplan a la particularité d’être un livre de médecine écrit par une femme à destination d’autres femmes. Les questions d’hygiène et de soins sont abordés très clairement, avec de nombreuses illustrations et photographies. La doctoresse Fischer prévient que son ouvrage lui attirera peut être les foudres de ses confrères qui lui reprocheront « d’enseigner aux non-médecins à se soigner eux-mêmes».

Qu’à cela ne tienne, la doctoresse croit dur comme fer à l’importance d’éduquer le public et plus particulièrement les femmes. L’entretien de son corps, les maladies et blessures, la grossesse, les soins à apporter aux enfants sont autant de sujets abordés dans les pages de ce livre. Il y est également question de l’habillement, l’auteure se révélant une fervente opposante au port du corset. La tenue que porte la souriante gymnaste qui fait la démonstration des exercices au bâton avec « autant d’aisance que d’entrain » est d’ailleurs très étudiée. Pour faire sa gym, pas de vêtements serrés, de tissus chauds et épais ; l’habit est léger, large et plissé. Un pantalon bouffant et fermé permettra de réaliser d’autres exercices. On est bien loin des tenues de sport d’aujourd’hui !

Le fitness de nos arrière-grands-mères

La recette de l'or

S’il est un métal qui fait rêver, c’est bien l’or. A défaut de pouvoir trouver des pépites dans le sol ou les rivières du Nord vaudois, nous vous proposons une technique plus ésotérique pour mettre la main sur cet élément précieux : l’alchimie. Vous découvrirez tous les secrets de l’art de transformer le plomb en or dans l’un des livres traitant de ce sujet conservés dans le fonds ancien de la Bibliothèque publique et scolaire d’Yverdon-les-Bains. Le Tripus aureus, le trépied d’or, publié en 1618 à Francfort, en fait partie. Cet ouvrage rassemble trois traités consacrés à la transformation des matériaux. Les textes, dont une partie est en vers, sont accompagnés de gravures mettant en scène des personnages, des squelettes et des animaux réels ou fantastiques. La plupart de ces illustrations sont mystérieuses et truffées de symboles. Sur cette image d’un homme réalisant une recette alchimique, le soleil, la lune, le lion et le serpent qu’il dévore représentent tous des éléments chimiques, probablement l’or, l’argent, le souffre et le mercure.

En parcourant ces traités, vous aurez toutes les clés en main pour accéder à la richesse, moyennant deux conditions : la connaissance de la langue latine et la maîtrise du langage codé utilisé par les auteurs de ces traités. Les alchimistes du XVIIe siècle tenaient à protéger leurs connaissances en ne les rendant accessibles qu’aux initiés. Il vous faudra donc faire preuve de persévérance avant de transformer votre cuisine en laboratoire d’alchimie.

La recette de l'or

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Tripus aureus

De drôles d'oiseaux

La gravure que nous avons dénichée aujourd’hui a dû faire copieusement soupirer son éditeur lors de la parution de la Collection des oiseaux les plus rares gravés et dessinés d’après nature. Cet ouvrage imprimé entre 1772 et 1774 est une version traduite et augmentée d’un livre de Jan Jonston datant 1657 qui rassemblait des informations sur des oiseaux du monde entier. Le texte était en latin, ce qui limitait son usage aux savants. La traduction du XVIIIe siècle se veut accessible aux curieux, amateurs, agriculteurs, chasseurs ou peintres. Page après page, on peut y lire les descriptions de dizaines d’oiseaux, leurs comportements et leurs noms en plusieurs langues. Puis arrive la dernière page de l’œuvre où un phénix côtoie une harpie et un griffon.

Dans les textes accompagnant ces gravures inattendues transparait le dépit de l’éditeur de devoir faire figurer dans un ouvrage scientifique de tels animaux. La notice explique que Jonston a souhaité traiter de manière exhaustive son sujet, en y incluant les créatures fantastiques et leurs descriptions par les auteurs anciens. Du phénix, il est dit que l’on pourrait remplir un volume de toutes les absurdités que les auteurs ont laissées sur cet oiseau légendaire. Le passage concernant le griffon répète que l’un des textes antiques cités est rempli de mille absurdités. Et finalement, que penser de la présence parmi ces créatures mythologiques de l’oiseau en haut à gauche, dont on nous dit qu’il s’agit d’un pélican? Heureusement, ce n’est pas l’existence de cette espèce qui est remise en question, mais ses mœurs : selon la légende, cet oiseau porte un tel amour à ses petits qu’il se perce la poitrine pour les nourrir de son sang. « Mais c’est une pure fiction », nous rassure l’auteur.

De drôles d'oiseaux

Une rencontre qui décoiffe

Lorsqu’on vous parle de fakirs, vous pensez probablement à un personnage confortablement installé sur un lit de clous. Grâce à L’histoire générale des voyages paru entre 1746 et 1770, vous découvrirez qu’il existe différentes sortes de fakirs. Si le personnage de gauche semble effectivement s’être récemment allongé sur des clous (en l’observant attentivement, vous apercevrez des marques sur ses bras et jambes), cette pratique n’est pas relevée dans le texte décrivant le mode de vie de ces ascètes. Ce qui surprend le plus les voyageurs du 18e siècle est leur habitude de ne pas se raser le visage ou se couper les cheveux et de souvent se promener nus ou presque, choses inimaginables pour un Occidental de cette époque.

L’histoire générale des voyages est une œuvre monumentale en 20 volumes qui rassemble des informations issues de tous les récits de voyage écrits jusqu’alors. Publiée d’abord en anglais par John Green, c’est l’Abbé Prévost, plus connu pour son roman Manon Lescaut, qui la traduit en français. Prévost ne se contente pas de transcrire dans sa langue les volumes anglais mais réalise un véritable travail d’édition. Lorsque la version anglaise s’arrête faute de moyens, l’Abbé Prévost décide de la continuer. Il travaille 13 ans sur ce projet puis l’œuvre sera terminée par ses successeurs après sa mort. La Bibliothèque d’Yverdon a la chance de posséder ces magnifiques volumes depuis 1768 grâce au généreux don de Monsieur Renouard de Bussierre, receveur général des sels de France en Suisse.

Une rencontre qui décoiffe

Ouvrez grand la bouche…

Si vous aviez eu une rage de dent il y a 300 ans, vous auriez peut-être vu le dentiste brandir devant vous ce genre de pince destinée à vous soulager de vos souffrances. Il s’agit en effet de l’un des instruments présentés par Pierre Fauchard dans son livre de 1728, Le chirurgien dentiste, ou traité des dents.

En parcourant l’ouvrage de ce médecin souvent considéré comme le père de la chirurgie dentaire moderne, on constate que l’hygiène buccale du 18e siècle était bien différente de celle d’aujourd’hui : si Fauchard remarque que les aliments sucrés abiment les dents, tout comme la fumée du tabac les noircit, il déconseille toutefois de les brosser. Il préconise à la place de se rincer la bouche à l’eau tiède, idéalement additionnée d’un peu d’eau de vie, puis de frotter ses dents avec une petite éponge. Il faut dire que les brosses à dents de l’époque étaient faites de crin ou de drap et endommageaient l’émail des dents. Fauchard propose plusieurs recettes de remèdes pour nettoyer et blanchir ses dents. La lecture de leurs ingrédients nous évoque aujourd’hui des potions de sorcières avec l’utilisation d’yeux d’écrevisse, de corail rouge ou d’os de pieds de mouton calcinés. Malgré ces procédés d’un autre temps, tout n’est pas tombé en désuétude dans la méthode de Pierre Fauchard. Par exemple, l’usage de plombages, avec du véritable plomb bien entendu, est recommandé pour les dents cariées. Néanmoins, réjouissons-nous de vivre au 21e siècle : en effet, parmi tous les soins décrits, il n’est pas fait mention d’une anesthésie avant leur pratique...

Ouvrez grand la bouche…

Cap sur les Indes

Pour notre première chronique de 2021, c’est un livre qui atteint cette année l’âge vénérable de 400 ans qui est à l’honneur. Imprimé en 1621 à Amsterdam, Le miroir oost et west-indical nous emmène en voyage autour du monde en compagnie de deux navigateurs néerlandais : le « renommé guerrier de mer » George de Spilberg et Jacob Le Maire. Tous deux firent le tour de la planète entre 1614 et 1618. Ils accomplirent même la dernière partie du voyage ensemble, après que Le Maire a été fait prisonnier par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales. Il avait en effet réussi à trouver un nouveau passage permettant de relier les océans Atlantique et Pacifique sans payer les redevances habituelles. L’aventure se termina mal pour cet explorateur qui découvrit le Cap Horn, puisqu’il succomba sur le bateau de Spilberg.

Le miroir ost et west-indical raconte leurs tribulations illustrées par des gravures fabuleusement précises. Sur chacune d’elles, on observe un lieu visité au cours du voyage avec une foule de détails évoquant des incidents ou des découvertes liés à cet endroit. Dans cette image de la baie péruvienne de Païta, par exemple, on aperçoit à la fois un oiseau d’une hauteur de deux aulnes (environ 2.5 mètres), un bateau de pêche indigène, les différents navires de la flotte de Spilberg, une troupe hollandaise débarquant et l’accueil que leur réservèrent les Espagnols déjà sur place. Ces magnifiques illustrations font quasiment de cet ouvrage une bande dessinée qu’on dévorerait volontiers en ces temps où la sédentarité est de mise.

Cap sur les Indes

Une somptueuse table de fête

Des assiettes contenant des marrons glacés, des coings confits, de la compote de pommes, un gâteau d’amandes, une corbeille d’oranges… La table ci-contre paraît bien encombrée ! Pourtant, il ne s’agit que du 3e service de ce souper. Avant cela, les convives auront déjà dégusté potages, hors d’œuvres, rôtis, salades et divers entremets chauds et froids. Le déroulement de ce repas est raconté en détail par Louis Liger, un agronome qui vécut de 1658 à 1717, dans son Nouveau théâtre d’agriculture et ménage des champs paru en 1713. Le chapitre des « Délices de la campagne » décrit non seulement l’organisation de réceptions mais propose également de nombreuses recettes. On y découvre diverses manières de préparer la viande, le poisson, les œufs ou les légumes mais aussi toute une sélection de biscuits, gâteaux, macarons ou gaufres. En cette période de l’Avent, nous avons choisi pour vous une recette de biscuits du XVIIIe siècle à tester dans votre cuisine du XXIe siècle :

Les biscuits du Piedmond

  • Prenez trois œufs frais, battez-les longtemps.
  • Ajoutez-y une demi-livre de sucre en poudre, continuez toujours à battre ces œufs.
  • Mettez dedans un quarteron [125 g.] de farine la plus fine.
  • Ensuite prenez un entonnoir à travers duquel vous ferez couler la pâte sur un papier beurré.
  • Placez les biscuits un peu éloignés les uns des autres, crainte que venant à s’écarter ils ne se mêlent ensemble.
  • Pour les glacer, vous prendrez moitié sucre et moitié farine dont vous les saupoudrerez, après quoi vous leur donnerez le four à feu doux.

L’équipe de la Bibliothèque publique et scolaire d’Yverdon-les-Bains vous souhaite une bonne dégustation et de belles fêtes de fin d’année !

Une somptueuse table de fête

Au cachot !

Aujourd’hui, nous poussons les portes des pénitenciers du 18e siècle avec un ouvrage de l’Anglais John Howard : Etat des prisons, des hôpitaux et des maisons de force, publié en français en 1788. En 1755, Howard est fait prisonnier politique. Il découvre alors avec horreur les conditions de détention de son époque. Une fois libre, il se fait un devoir de sensibiliser la population aux mauvais traitements réservés aux personnes détenues et se rend dans des centaines de prisons en Grande Bretagne et sur le continent européen pour être témoin de leurs pratiques. Ce qu’il y observe le consterne : malnutrition, hygiène déplorable, maladies… Les captifs dépérissent à vue d’œil. Les voyages de Howard le mènent jusqu’en Suisse, où il visite les prisons de plusieurs villes, dont Genève, Berne ou Lausanne. La description qu’il donne des geôles de notre pays est bien moins sombre que ce qu’il a pu constater en Angleterre. Ce sont en général des lieux où on apporte une grande attention à la propreté des locaux et à la santé des condamnés. Ces derniers sont souvent convenablement nourris et se voient confier des travaux, ce qu’ils apprécient fortement. C’est le cas à Berne où les malfaiteurs ont la tâche de nettoyer et déneiger les rues. Cette main d’œuvre gratuite en fait d’ailleurs une des villes les plus propres d’Europe. Howard remarque que la plupart des prisons qu’il visite en Suisse sont vides ou très peu peuplées, ce qu’il explique en grande partie par une éducation axée sur la religion et la morale, même pour les enfants les plus pauvres.

Et qu’en est-il du malheureux personnage revêtu d’un tonneau qu’on observe sur la gravure extraite du livre de John Howard? Ce criminel danois est promené dans les rues, affublé d’un « manteau espagnol », une sorte de cuve dans laquelle il est enfermé par des fers. Ce châtiment honteux était, semble-t-il, si redouté qu’il réduisit quasiment à néant le nombre de cambriolages nocturnes à Copenhague.

Au cachot !

La torréfaction du thé

Quand les températures chutent, quoi de mieux pour se réchauffer qu’une bonne tasse de thé ? Et ce n’est pas M. Houssaye, commerçant de thé au 19e siècle, qui vous dira le contraire. Passionné par ce breuvage, il a lu tous les écrits sur le sujet avant de rédiger, en 1843, la Monographie du thé : description botanique, torréfaction, composition chimique, propriétés hygiéniques de cette feuille. Ce bel ouvrage est accompagné de nombreuses gravures illustrant la culture de la plante ainsi que sa torréfaction dont on peut observer une étape dans la gravure ci-contre. Si le thé est connu en Europe depuis le début du 17e siècle, dans un premier temps il n’est consommé que dans la haute société. Houssaye raconte l’anecdote d’une duchesse galloise de cette époque qui envoya un paquet de thé à un parent en Ecosse, sans indiquer la manière de l’apprêter. Le cuisinier fit bouillir la plante, jeta l’eau de cuisson et servit les feuilles comme un plat d’épinards…

Le thé a longtemps eu la réputation de présenter de nombreux bienfaits médicinaux notamment contre les calculs rénaux, pour fortifier la vue, ou guérir la surdité. Cent ans plus tard, l’ouvrage de Houssaye dément certains des effets attribués au thé : il ne cause pas l’obésité, ne prévient pas les calculs et n’a pas de lien avec la rapide croissance de la population chez les peuples qui le consomment. Il n’abîme pas non plus les dents, puisque que les Anglais ont les dents plus saines que les Parisiens, à défaut de les avoir bien faites. Houssaye serait sans doute ravi d’apprendre que, presque 200 ans après la publication de son livre, le thé reste la boisson la plus consommée au monde après l’eau !

Thé

Un croquis que les Américains nous envient

Comment se fait-il qu’Yverdon-les-Bains possède un dessin que les Américains nous envient depuis près de 150 ans ? A son origine, un Bernois, Christoph von Graffenried, bailli d’Yverdon de 1702 à 1708.

A la suite à de déboires financiers, en 1710 Graffenried part fonder une colonie en Amérique. Muni d’un brevet lui permettant d’occuper la Caroline du Nord, il arme deux bateaux transportant des émigrants bernois et allemands. Les bateaux affrontent de terribles orages sur l’océan et arrivent en Amérique après 13 semaines de voyage. Plus de la moitié des colons périssent en mer. Une autre partie meurt en arrivant à terre après avoir abusé d’eau douce et fruits crus. Cela commence mal…

Après des débuts difficiles, ils fondent New Bern, un bourg plaisant. Malheureusement, cette période dorée ne dure pas et la colonie est victime d’attaques de rebelles. Puis, lors d’une excursion, Graffenried est fait prisonnier par le peuple indigène, les Turcaruros. Condamné à mort, il est sauvé in extremis grâce à l’intervention du gouverneur de la Virginie. Lors de cet épisode, Graffenried établit un traité de paix avec les Turcaruros qui permettra une bonne cohabitation entre la colonie et les indigènes. Graffenried retourne ensuite en Suisse solliciter le soutien de ses amis de Berne. C’est depuis le bateau qui le ramène en Europe en 1713 qu’il réalise un dessin de New York. Arrivé à Berne, c’est la désillusion : il ne trouve aucun appui pour restaurer sa colonie délabrée et se résout à l’abandonner à son sort. En Amérique, le travail des colons et l’accord de paix avec les indigènes paie : la petite ville devient agréable et prospère. 180 ans plus tard, New Bern sera le lieu de création du Pepsi-Cola.

Cette aventure et le croquis de New York sont consignés dans un carnet de voyage qui parviendra, par des chemins que nous ignorons, dans la collection de la bibliothèque. Le croquis est une des premières vues connues de New-York et potentiellement le premier dessin manuscrit de la ville. Le carnet attisa à plusieurs reprises la convoitise d’Américains qui, à défaut de pouvoir acheter le document, en demandèrent des copies. En 1953, des démarches furent entreprises pour présenter le dessin dans une exposition aux Etats-Unis. Ce projet ne s’est pas réalisé.

Du 24 septembre au 28 février, le croquis sera exposé, non pas aux Etats-Unis, mais à Lausanne, au Palais de Rumine, à l’occasion de l’exposition Exotic ? proposé par les musées de science et d’histoire. Il s’agit d’une occasion rare d’admirer ce dessin qui quitte rarement le fonds ancien de la bibliothèque d’Yverdon-les-Bains.

Un dessin que les Américains nous envient depuis près de 150 ans

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Croquis de New York

Faites vos jeux !

Quand les lieux de divertissement sont fermés et que notre journée a été remplie d’écrans, l’envie de trouver des occupations non électroniques peut se faire sentir. Quoi de mieux alors que de sortir son jeu de cartes pour découvrir les nombreuses subtilités des jeux en vogue au XVIIIe siècle ? Et justement, la Bibliothèque publique et scolaire d’Yverdon-les-Bains détient le livre idéal pour s’initier au jeu du Rome stecq, du Culbas, du Hoc ou du Poque : La plus nouvelle académie universelle des jeux, ou divertissemens innocens, avec des instructions faciles pour apprendre à les bien jouer en deux tomes, publié en 1728.

Le volume un présente les règles de près de trente jeux de cartes avec une septantaine de pages consacrées uniquement au jeu de l’Hombre. Ce dernier semble à première vue particulièrement complexe puisqu’on trouve même un lexique de plusieurs pages présentant les termes utilisés au cours du jeu. On y apprend, par exemple, que le terme « les yeux de ma grand-mère » doit être utilisé lorsqu’on a « deux as rouges sans les noirs ». Le volume deux s’intéresse à d’autres types de jeux, comme les échecs, le tric trac ou le billard, un « passe-temps agréable, innocent et qui demande une adresse que tout le monde n’a pas ». Bref, des heures d’amusement en perspective grâce à ce livre !

Faites vos jeux !

Le grand atlas de Blaeu

Dans un contexte où nos déplacements sont réduits au minimum, nous avons choisi aujourd’hui de vous faire voyager grâce à un des trésors de la collection de la bibliothèque publique et scolaire d’Yverdon-les-Bains : le Grand atlas ou Cosmographie blaviane du Néerlandais Johannes Blaeu publié en 1663. Cette œuvre monumentale en douze volumes mesurant chacun 58 centimètres compte plus de 5'300 pages dont plus de 600 cartes. Ces dernières sont souvent colorées à la main et décorées à l’or. La magnifique carte ci-contre représente l’état brésilien du Pernambouc.

La cartographie est une affaire de famille chez les Blaeu. Le père de Johannes, Willem, publie son premier atlas en 1635 et acquiert une renommée internationale pour la qualité de ses cartes. Tout comme le fera plus tard son fils, Willem ne voyage pas pour établir les cartes de ses atlas. Il retravaille des relevés déjà existants grâce à des récits de voyage d’explorateurs ou des conversations avec des marins de passage à Amsterdam. Suite au décès de son père, Johannes reprend et enrichit ses atlas. Il conçoit le projet d’une cosmographie où il prévoit de transcrire les cartes des terres, mers et cieux connus alors. Toutefois, seuls les volumes décrivant les terres paraissent.

L’atlas rencontre un grand succès commercial et est édité en néerlandais, allemand, latin et français. Une édition espagnole est sous presse lorsque l’imprimerie de Blaeu, la plus grande au monde à son époque, est détruite par les flammes en 1672. L’entreprise ne se relèvera jamais de cette catastrophe et fera faillite quelques années plus tard.

Le grand atlas de Blaeu

Un mauvais investissement

La création d’une bibliothèque demande une sélection attentive de livres. Dès 1763, les membres de la Société économique d’Yverdon se sont efforcés d’ajouter des ouvrages de qualité à la collection de la bibliothèque qu’ils avaient mise en place. Malheureusement, la lecture de certains documents peut réserver des surprises. Cela a été le cas pour ce guide d’entomologie paru en 1764 et attribué à Gaspard Guillard de Beaurieu: Abrégé de l’histoire des insectes dédié aux jeunes personnes.

Dans son avant-propos, l’auteur se montre très ambitieux. Il souhaite ouvrir les yeux des jeunes gens sur les merveilles de la nature et ainsi les extraire de leur triste condition de mortel. Apparemment, ce n’est pas une réussite aux yeux de tous. Dans le volume conservé dans le fonds ancien de la Bibliothèque publique et scolaire d’Yverdon-les-Bains, on peut lire une note manuscrite d’Elie Bertrand. Ce pasteur et naturaliste d’Orbe donne son avis sur l’œuvre qu’il a acquise : « Acheté à Paris. Ouvrage incomplet, superficiel qui comme bien d’autres séduit par un titre, qui ne tient pas ce qu’il promet. » Espérons que malgré ses regrets, Elie Bertrand se soit consolé de son achat en admirant les magnifiques gravures qui figurent dans le livre, comme cette page où l’on observe des chenilles arpenteuses, un superbe ptérophore blanc (je vous assure, c’est bien un papillon !) et un papillon à tête de mort.

Un mauvais investissement

Les gribouillages de Louis

En feuilletant récemment des livres du 16e siècle dans notre fonds ancien, nous sommes tombés sur des gribouillages dans un volume de textes du poète latin Horace publié en 1588. Quelle horreur ! Mais qui avait bien pu vandaliser un de nos ouvrages précieux que nous surveillons si soigneusement ? Le jeune Louis Portefaix avait colorié la page de titre, croqué des oiseaux et testé de futures signatures. Une fois le choc initial passé, force est de constater que ces inscriptions ne datent pas d’aujourd’hui, mais d’il y a près de 300 ans.

Cet exemplaire n’est pas le seul à porter des annotations, il est vrai souvent moins hautes en couleur que les gribouillages de Louis. On retrouve notamment un grand nombre d’ex libris indiquant le nom de l’ancien propriétaire du volume ou d’ex dono avec le nom de celui qui en a fait don à la Bibliothèque d’Yverdon. Ces traces rappellent que bon nombre des livres conservés dans le fonds ancien de la bibliothèque ont eu une première vie avant d’intégrer notre fonds. Elles sont précieuses pour comprendre comment a été constituée la collection de l’institution depuis 1761 et offrent un aperçu de la vie culturelle yverdonnoise de l’époque.

Pour terminer, nous tenons à vous rassurer : malgré sa propension à s’en prendre à la littérature latine, Louis n’a pas mal tourné. Il est devenu par la suite médecin et a exercé à Yverdon jusqu’en 1794.

Les gribouillages de Louis

Les tenus écossaises

La semaine dernière, nous avons été nombreux à nous plaindre des températures glaciales. Alors que nous avons la chance de pouvoir revêtir doudounes et autres manteaux, arrêtons-nous un instant sur la tenue de ces Ecossais du 19e siècle. Peu frileux, les habitants des Highlands étaient habitués à sortir jambes et parfois pieds nus par tous les temps et étaient connus pour avoir les jambes rouges lors des grands froids.

Le Français Louis Simond put observer les vêtements locaux lorsqu’il parcourut pendant près de deux ans la Grande-Bretagne. Souhaitant partager ses observations avec ses amis, il tint un journal de voyage : Voyage d'un français en Angleterre, pendant les années 1810 et 1811 : avec des observations sur l'état politique et moral, les arts et la littérature de ce pays, et sur les moeurs et les usages de ses habitans, publié en 1816. Simond relève dans son récit que la moitié des hommes qu’il croise au retour de l’église le dimanche matin sont vêtus d’un kilt et de brodequins, comme les deux Ecossais de la montagne représentés à gauche. L’autre moitié porte des bas et des culottes tels qu’on peut les voir sur la gravure de droite. Au lieu d’une veste, ils s’enveloppent dans leur vaste plaid dont Simond précise qu’il mesurait 9 pieds (environ 2.5 mètres) de long. Ce plaid servait souvent aux Ecossais de vêtement en journée et de couverture la nuit. Sur leur tête est posé un « highland bonnet ». Simond ne reconnaît pas ces efforts vestimentaires et trouve les femmes écossaises « fort laides », notant également que les hommes sont « au-dessous de la moyenne taille ». Le fonds ancien de la Bibliothèque publique et scolaire d’Yverdon-les-Bains héberge deux autres récits de voyages de Louis Simond qui relatent ses périples en Italie et en Suisse.

Ecossais

Votre destin est entre vos mains !

Alors que la nouvelle année approche à très grands pas, les horoscopes abondent dans de nombreux journaux et magazines. A la Bibliothèque publique et scolaire d’Yverdon-les-Bains, nous n’avons pas la capacité de rédiger votre horoscope, mais nous pouvons toujours essayer de déchiffrer les lignes de vos mains à l’aide d’un petit livre de 1666 déniché dans notre fonds ancien : La Chyromantie naturelle de Ronphile, pseudonyme de Daniel de Rampalle. A son époque, la chiromancie avait mauvaise réputation. On reprochait aux voyants utilisant cette technique d’être des charlatans.

Dans son ouvrage enrichi d’une série de gravures, Rampalle tente de réhabiliter cette « science » en définissant des éléments indispensables à sa bonne pratique. Il fonde ses observations non seulement sur les lignes de la main, mais aussi sur son apparence générale, prenant également en compte sa couleur et même son humidité. Ainsi, on apprend qu’une personne ayant de petites mains sera souvent quelqu’un de colérique et orgueilleux. Des mains velues sont quant à elles un signe que leur propriétaire est inconstant et très peu sage, quoique très fort. Le conseil que nous vous donnons pour 2020 est donc de vous méfier des individus aux petites mains poilues. Bonne année !

Votre destin est entre vos mains !

De curieux monstres marins

Lorsqu’on imagine une sirène, c’est souvent l’image d’une femme aux traits agréables avec une queue de poisson qui nous vient à l’esprit. Vous serez donc sans doute surpris en découvrant cette gravure dans L’histoire générale des voyages publiée entre 1746 et 1770. En effet, si cette sirène possède bien une queue de poisson et un torse humain, son visage ne rappelle en rien celui d’une femme. Il est possible qu’en réalité cela soit la représentation d’un « Jenny Haniver ». Ce drôle de nom désigne les petits monstres que sculptaient les marins dès le 17e siècle à partir de corps de raies. Ceux-ci étaient ensuite séchés puis vernis avant d’être vendus à des acheteurs crédules qui pensaient acquérir pour leur cabinet de curiosités des momies de dragons, de sirènes ou de basilics.

L’histoire générale des voyages est une compilation en 20 tomes de récits rapportés par divers voyageurs de leurs périples à travers le monde. C’est à Jean Barbot, qui navigua notamment le long des côtes africaines, que l’on doit l’image de cette sirène, tout comme celles des étonnantes créatures que se trouvent à sa droite. Malheureusement, le texte de L’histoire générale des voyages ne fournit aucune précision sur les illustrations de Barbot. Le mystère de ces poissons à tête de félin reste donc entier.

De curieux monstres marins

L’électricité au temps des Lumières

Désormais les jours raccourcissent rapidement et chaque soir nous allumons nos lampes un peu plus tôt. Mais avant que l’éclairage électrique ne devienne omniprésent, il a fallu apprivoiser le phénomène nouveau de l’électricité. Au XVIIIe siècle, Jean Antoine Nollet, dit l’Abbé Nollet, en a popularisé l’étude dans les salons et à la cour française grâce aux explications claires et attrayantes qu’il dispensait dans ses livres et leçons. L’illustration ci-contre, extraite de son Essai sur l’électricité des corps publié en 1753, représente ce qu’on appelle « l’expérience de Leyde ». Celle-ci consiste à montrer la transmission de l’électricité créée par un petit générateur (le globe de verre que frotte la femme à droite de l’image) vers une barre de métal dont l’extrémité trempe dans un vase d’eau. L’homme qui tient le vase en approchant son doigt de la barre est sur le point de ressentir une forte décharge.

Nollet réalisa l’expérience à grande échelle en alignant 200 hommes reliés par des barres de fer qu’ils tenaient à la main. Il demanda au premier homme de toucher le globe qui émettait de l’électricité et observa que tous les hommes réagirent quasi simultanément à la décharge. Il en conclut que l'électricité se propageait très rapidement. La démarche n’est toutefois pas sans risque : Nollet déconseille fortement cette expérience aux personnes délicates et aux femmes enceintes, après qu’un oiseau ait succombé lors de ses essais. La Bibliothèque publique et scolaire d’Yverdon-les-Bains possède dans sa collection de livres anciens quatre des œuvres de ce scientifique.

L’électricité au temps des Lumières

Nos cousins les singes

Cet étrange homme velu qui vous observe d’un air aimable n’est autre qu’un orang-outan tel qu’on le représentait il y a 250 ans dans l’Encyclopédie d’Yverdon. Bien qu’à partir du milieu du 18ème siècle on commence à voir des grands singes exposés en Europe, l’artiste qui a réalisé cette illustration semble s’être inspiré des descriptions faites par les voyageurs ayant visité Bornéo et Sumatra. Ceux-ci assurent avoir vu des orangs-outans marcher debout sur deux pieds et montrer un comportement très proche de celui des hommes. Ce n’est pas la seule illustration animalière de l’Encyclopédie qui surprend : un éléphant trapu, une girafe aux cornes pointues ou une baleine hilare sont autant de rappels qu’il n’a pas toujours été aussi facile d’observer les animaux que ça l’est aujourd’hui.

L’Encyclopédie d’Yverdon, éditée par Fortuné Bartholomé de Félice entre 1770 et 1780, compte 58 volumes, dont 10 de gravures. Inspiré par l’Encyclopédie parisienne de Diderot et D’Alembert qui paraît au même moment, de Félice rassemble une équipe de savants pour créer son œuvre. Même si elle reprend une partie du contenu de l’Encyclopédie de Paris, plus de la moitié de ses textes sont originaux. Elle compte aujourd’hui parmi les trésors conservés dans le fonds ancien de la Bibliothèque publique et scolaire d’Yverdon-les-Bains.

Nos cousins les singes

Apprendre à lire

Alors que les élèves yverdonnois reprennent le chemin de l’école, c’est une méthode d’apprentissage de la lecture que nous avons dénichée aujourd’hui dans le fonds ancien de la Bibliothèque publique et scolaire. Dans la Quadrille des enfans ou Système nouveau de lecture, son auteur, l’Abbé Berthaud, s’engage à apprendre à tout enfant de quatre ou cinq ans à lire en l’espace de trois à quatre mois. Le système, constitué de 160 vignettes, propose d’enseigner aux enfants les sons en leur associant des images (raisin pour le son « in », poing pour le son « oin », etc.). L’Abbé Berthaud affirme avec confiance que sa méthode est testée et approuvée. Il en fournit pour preuve une attestation signée par le Maréchal de Coigny qui testa la méthode sur son fils, ainsi qu’une liste de noms et d’adresses d’enfants ayant appris à lire de cette manière. Ces documents figurent au début du livre.

Cette œuvre, d’abord imprimée à Paris, fut rééditée à Yverdon en 1779 par Fortunato Bartholomeo de Felice dans son imprimerie située à la rue du Lac 45. Elle connut un tel succès qu’il la réédita deux ans plus tard. De Felice imprima dans son atelier plus de 170 ouvrages littéraires, scientifiques et éducatifs originaux et en contrefaçon. Près de 150 de ces livres sont conservés à la Bibliothèque publique et scolaire d’Yverdon-les-Bains.

Méthode de lecture

Apiculture

Avec l’arrivée des beaux jours, les prairies bourdonnent joyeusement. C’est l’occasion de plonger dans le fonds ancien de la Bibliothèque publique et scolaire d’Yverdon-les-Bains et d’en ressortir avec la Nouvelle construction de ruches de bois, avec la façon d'y gouverner les abeilles écrit en 1756 par Guillaume Louis Formanoir de Palteau. On y découvre cette illustration de deux hommes occupés à capturer un essaim d’abeilles avec un équipement inventé par l’auteur. A la droite de l’image sont représentées les trois sortes d’abeilles qui composent une ruche : la reine, le faux-bourdon et l’ouvrière.

Au XVIIIe siècle, on connaissait une pénurie de cire d’abeilles. En effet, la demande pour cette matière première était croissante car l’utilisation de chandelles en cire, auparavant réservée aux cierges dans les églises, se répandait chez les particuliers. Formanoir de Palteau estime la consommation annuelle de cire en France à 10'000 quintaux, soit 1000 tonnes. La production nationale ne suffisait de loin pas à couvrir les besoins des habitants, ce qui les obligeait à se fournir dans d’autres régions comme les îles grecques ou Constantinople. On envisageait même de se tourner vers une cire végétale provenant du Mississipi.

Formanoir de Palteau souhaite relancer l’élevage des abeilles, notamment en préconisant une méthode respectueuse des insectes pour récolter leurs produits. Il faut dire qu’à son époque, il était très courant de tuer toutes les abeilles d’une ruche, souvent en les étouffant, afin d’en récupérer la cire et le miel. Cette pratique a bien heureusement été interdite depuis lors. Nous vous laissons avec un petit conseil de l’auteur pour cet été : parmi les différents remèdes qu’il a testés pour soigner les piqures d’abeilles, dont le vinaigre et l’urine, la plus efficace selon lui est l’application de persil pilé.

Abeilles

La psychologie expliquée aux enfants

Que font ces enfants représentés sur une gravure extraite des Elemens de psycologie, ou leçons élémentaires sur l’âme à l’usage des enfans par Joachim Heinrich Campe? Trois d’entre eux semblent nous interroger du regard, nous invitant à deviner ce qui se trame dans la scène. En l’examinant de plus près, on s’aperçoit rapidement que le personnage central contemple un dessin. Le jeune à sa droite se bouche le nez en brûlant une plume tandis que celui qui se trouve à sa gauche écoute le son d’une clochette. Vue, odorat, ouïe… Ces cinq garçons font une démonstration des cinq sens ! Reste à définir ce que font les deux derniers enfants. Le personnage assis mange une pomme et son camarade se tenant à la gauche de l’image vient de se couper le doigt avec un couteau et en grimace de douleur : goût et toucher.

Cette charmante gravure est l’une des nombreuses illustrations figurant dans le livre de Campe publié en 1785. Le linguiste et pédagogue allemand donne dans l’introduction de son livre des explications détaillées sur la manière d’utiliser ces leçons. Il précise que les illustrations ne sont pas destinées à être reliées avec les autres pages mais affichées dans la salle de classe, afin que l’enseignant puisse s’en servir pour présenter les différentes notions abordées dans l’œuvre. Campe rédigea un grand nombre d’ouvrages éducatifs dont une description de la découverte de l’Amérique qui fait également partie des nombreux volumes conservés dans le fonds ancien de la Bibliothèque publique et scolaire d’Yverdon-les-Bains.

Psychologie

Les débuts de l'aviation

Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, ce n’est pas le vol des oiseaux qui a inspiré Clément Ader au XIXe siècle pour créer son modèle d’avion « Eole », mais celui des chauves-souris. La roussette géante en acier et en soie était propulsée par un moteur à vapeur qui lui permit de parcourir une cinquantaine de mètres en octobre 1890. La revue Le vulgarisateur qui paraît à Bâle dès 1890 et d’où est tirée l’illustration ci-dessus décrit en novembre 1898 le mécanisme de cet appareil extraordinaire. Destiné au grand public, ce journal mensuel se proposait d’informer ses lecteurs sur une variété de sujets intéressants et utiles pour un prix minime. Les articles figurant dans Le vulgarisateur étaient en partie extraits d’autres journaux scientifiques mais on y retrouvait également des textes inédits. Un intérêt particulier était accordé aux nouvelles inventions comme les fontaines lumineuses ou le chauffage électrique. En 1896, la revue change de titre pour devenir Le vulgarisateur et messager de l’hygiène. Une double page y est alors consacrée chaque mois à répondre à des questions des lecteurs liées à la santé et à l’économie domestique : Que faire pour la transpiration des mains ? Comment entretenir un chapeau en feutre ?

Les recueils du vulgarisateur font partie des nombreux documents offerts à la Bibliothèque publique et scolaire d’Yverdon-les-Bains par son ancien directeur John Landry, également syndic d’Yverdon de 1906 à 1909. Les livres, brochures, recueils d’articles de journaux et manuscrits concernant Yverdon et le canton de Vaud sont conservés aujourd’hui dans son fonds ancien.

Avion

Nouvel an romain

Bonne année ! Saviez-vous que pendant plusieurs centaines d’années, les Romains ont considéré le mois de mars comme étant le premier de l’année ? Ce n’est qu’en 46 avant notre ère que Jules César apporta un certain nombre de modifications au décompte des jours et des mois en passant au calendrier Julien. En ce 1er mars, nous vous présentons donc le dieu romain éponyme auquel ce mois est dédié. Mars est ici représenté dans l’image de gauche accompagné d’un coq. Cet oiseau était à l’origine l’un de ses proches métamorphosé pour s’être endormi et avoir laissé Mars se faire surprendre dans une situation compromettante avec l’épouse de Vulcain. C’est d’ailleurs Vulcain que l’on peut voir dans la vignette de droite, forgeant des éclairs pour Jupiter avec l’aide de deux Cyclopes.

Ces gravures sont extraites du Traité de mythologie à l’usage des jeunes gens de l’un et de l’autre sexe de l’Abbé Lyonnois paru en 1783. Ce livre, écrit sous la forme d’un dialogue, était destiné à faire découvrir la mythologie romaine aux jeunes gens. A la manière d’un élève curieux interrogeant son professeur, le texte est une suite de questions auxquelles l’auteur répond : « Que nous apprendrez-vous sur Mars ?» « Comment représente-t-on ce dieu ? » L’Abbé Lyonnois fait à plusieurs reprises des rapprochements entre les mythes et les histoires bibliques. Le traité est accompagné de 180 petites gravures représentant les différents personnages et épisodes présentés dans le texte. Cette œuvre est l’un des 17'000 volumes imprimés avant 1850 que conserve la Bibliothèque publique et scolaire d’Yverdon-les-Bains dans son fonds ancien.

Mars et Vulcain

Luxations

La neige, la glisse, les épaules luxées… Pas de doute, la saison des sports d’hiver bat son plein. On vous propose aujourd’hui de découvrir comment étaient soignées les luxations au XVIIIe siècle. Ces deux blessés à la mine résignée se trouvent dans l’ouvrage de 1771 de l’Allemand Lorenz Heister, les Institutions de chirurgie. Le volumineux traité présente en détail les connaissances en chirurgie de l’époque avec de nombreuses gravures montrant les outils et les techniques à mettre en pratique. On aperçoit ici deux méthodes pour remettre en place une épaule : la méthode manuelle et la méthode mécanique réalisée à l’aide d’une machine.

Heister recommande d’utiliser de préférence la manière manuelle, pour autant qu’on ait à sa disposition deux aides robustes. Il mentionne également une nouvelle machine réputée excellente pour réduire les luxations opiniâtres mais qu’il préfère ne pas présenter avant de l’avoir lui-même testée. Heister fit plusieurs découvertes médicales importantes, notamment au sujet des cataractes et l’appendicite. Les Institutions de chirurgie connurent un grand succès. Rédigé à l’origine en allemand, le texte fut traduit dans plusieurs langues dont le latin, le français et même le japonais. Vous trouverez ce livre et ses magnifiques gravures, comme celles illustrant le chapitre des amputations avec des patients tout aussi stoïques que les victimes de luxations, dans le fonds ancien de la Bibliothèque publique et scolaire d’Yverdon-les-Bains.

Luxation

La comète

En scrutant le ciel à cette période de l’année il y a 275 ans, vous auriez peut-être eu la chance d’apercevoir une spectaculaire comète à six queues. Celle-ci porte le nom de Comète de Cheseaux en l’honneur de l’astronome vaudois Jean Philippe de Loys de Cheseaux qui l’observa et l’étudia entre décembre 1743 et mars 1744. Il publia cette même année à Lausanne le Traité de la comète qui connut un succès considérable parmi les savants de l’époque.

Jean Philippe de Loys de Cheseaux se démarquait non seulement par la teneur scientifique de ses travaux mais aussi par sa précocité. Ses premiers articles de physique furent imprimés par l’Académie des sciences de Paris alors qu’il n’avait que 17 ans. Une année plus tard, il fit installer un observatoire sur le domaine familial à Cheseaux-près-Lausanne. Grâce à cet observatoire, non seulement il repéra des comètes mais il fit également des mesures utiles à l’élaboration des cartes du Pays de Vaud et de la Suisse. Hélas, l’existence de ce scientifique remarquable fut brève et il mourut à l’âge de 33 ans lors de son premier voyage à Paris. Quant à la Comète de Cheseaux, malgré les calculs de l’astronome vaudois qui prévoyait son retour dans 442 ans, il est aujourd’hui admis qu’elle a quitté le système solaire.

Comète

Ananas

Peut-être avez-vous prévu pour vos repas de fin d’année de manger des ananas tels les deux beaux spécimens ci-dessus. Ces fruits sont présentés dans le volumineux herbier imprimé à Yverdon, l’Historia Plantarum universalis. Les botanistes français Jean Bauhin et Jean-Henri Cherler sont à l’origine de ce projet très ambitieux avec le drapier et imprimeur Pyrame de Candolle. Ce dernier dirigea dès 1619 une imprimerie à la rue actuellement nommée rue Roger-de-Guimps. C’est là qu’il projetait d’imprimer l’Historia plantarum universalis, une œuvre qui devait rassembler l’ensemble des plantes que l’on connaissait depuis la plus haute Antiquité, le tout orné de milliers de gravures.

Pyrame de Candolle réunit le matériel nécessaire à cette entreprise mais ne put la mener à terme. En 1626, criblé de dettes, il fuit Yverdon, abandonnant femme et enfants. Il mourut la même année. En 1649, Dominique Chabrey, un jeune médecin genevois féru de botanique racheta les documents de Pyrame de Candolle ainsi que son matériel d’imprimerie et relança le projet dont les trois tomes parurent entre 1650 et 1651. Ils contiennent de nombreuses fautes d’orthographe et erreurs d’impression, comme des mots manquants ou des figures à l’envers ou ne correspondant pas aux plantes qu’elles sont censées illustrer. Cependant, l’Historia plantarum universalis est le premier ouvrage de botanique de cette ampleur et il acquit rapidement l’estime des savants de l’époque. Il est l’un des quelques 670 volumes imprimés à Yverdon conservés avec les autres livres précieux dans le fonds ancien de la Bibliothèque publique et scolaire d’Yverdon-les-Bains.

Ananas

Guillaume Tell

Selon la tradition, c’est le 18 novembre 1307 que Guillaume Tell omit de saluer le chapeau du bailli placé au sommet d’un mât, défiant ainsi son autorité.  Dénoncé par des témoins, il est condamné le lendemain à transpercer d’une flèche une pomme posée sur la tête de son fils. Alors qu’aujourd’hui cette histoire est communément acceptée comme une légende, aux XVIe et XVIIe siècles, on retrouvait la biographie de Guillaume Tell à coté de celles de personnages historiques comme Jules César ou Christophe Colomb. Cette gravure vient de l’Histoire des plus ilustres et sçavans hommes de leurs siècles, tant de l'Europe, que de l'Asie, Afrique et Amérique écrit au XVIe siècle par André Thévet, un explorateur qui devint ensuite géographe et historiographe du roi de France.

L’œuvre de Thévet contient plus de 200 biographies illustrées chacune par un portrait. On y rencontre des personnages très divers, des rois aux explorateurs en passant par des hommes d’église. Dans la présentation de notre arbalétrier national, l’auteur raconte qu’il retranscrit l’histoire de Guillaume « Tellus » telle que la lui a racontée le capitaine de la garde suisse au service du roi. Ce dernier lui fournit également un portrait du héros que Thévet reproduisit dans son œuvre. On y voit Tell tenant dans sa main droite la flèche qu’il s’apprête à tirer dans la pomme posée sur la tête de son fils. De sa main gauche, il désigne dans son carquois une seconde flèche destinée à tuer le bailli dans le cas où son premier tir atteindrait son fils. L’œuvre de Thévet fait partie des 17'300 volumes conservés dans le fonds ancien de la Bibliothèque publique et scolaire d’Yverdon-les-Bains.

Guillaume Tell

La magie

Si vous cherchez un tour pour épater vos amis lors d’une soirée d’Halloween, vous trouverez certainement votre bonheur dans l’œuvre de Johann Samuel Halle. Cet Allemand a publié entre 1784 et 1801 une série de livres intitulés Magie, oder der Zauberkräfte der Natur, so auf den Nutzen, und die Belustigung angewandt worden, c’est à dire  « La magie, ou les pouvoirs magiques de la nature, destinée à être utile ou amusante ». Ces volumes traitent de magie naturelle qui, par opposition à la magie cérémonielle, regroupe des sciences telles que l’alchimie, l’astrologie, la chimie ou l’herboristerie.

Halle recense une multitude d’explications de phénomènes naturels, d’expériences scientifiques et d’autres informations. On peut y lire, par exemple, des utilisations médicales de l’électricité, la composition du chocolat ou la nature des échos. La gravure que l’on voit ici est une illustration de l’expérience nommée « L’apparition magique de spectres ». On y découvre comment impressionner ses amis en faisant apparaître des fantômes dans un nuage de fumée. Halle donne en premier lieu des conseils pour créer une mise en scène visant à renforcer l’illusion, comme le fait de dessiner un cercle autour des spectateurs hors duquel ils ne devront pas s’aventurer et l’utilisation d’un crâne et d’un gros livre. Puis il explique le fonctionnement du tour : le « spectre » qui apparaîtra est en réalité une image projetée sur un nuage de fumée par une lanterne magique. Pour connaître tous les détails de ce numéro de magie et le réussir devant vos invités, nous vous invitons à consulter le livre de Halle, en allemand et en écriture gothique, à la Bibliothèque publique et scolaire !

magie

Les piège à alouettes

Selon l’agronome et curé français du XVIIe siècle Noël Chomel, septembre est le meilleur mois pour s’adonner à la chasse aux alouettes. Dans son Dictionnaire économique contenant divers moyens d’augmenter son bien et de conserver sa santé, il présente en détail deux techniques pour attraper ces oiseaux : l’utilisation d’un système complexe de filets ou celle de miroirs, méthode qui donna naissance à l’expression « un miroir aux alouettes » utilisée pour évoquer un piège ou une situation trompeuse.

On peut s’étonner de voir de telles informations dans un dictionnaire économique. En effet, l’oeuvre de Chomel, parue pour la première fois en 1709, ne traite pas de l’économie au sens moderne du terme. Elle aborde des sujets domestiques comme le jardinage, les recettes de cuisine ou les remèdes à divers maux. Le dictionnaire connut un grand succès et fut traduit en allemand, hollandais et anglais.

Et que faire de tous les volatiles que vous aurez pris grâce aux instructions du Dictionnaire économique ? Chomel propose à ses lecteurs une savoureuse recette d’alouettes en ragoût : « Prenez des alouettes, plumez-les, videz-les, passez-les à la poêle avec du lard fondu et un peu de farine. Mettez-les dans une terrine avec du bouillon et du vin blanc ; assaisonnez-les de sel, de poivre et de cannelle ; laissez-les cuire ainsi jusqu’à ce que la sauce en soit courte. Mettez-y un jus d’orange et puis les servez. » Bon appétit !

Piège alouettes

Apprendre à nager

Si vous aviez appris à nager il y a 200 ans, vous auriez peut-être expérimenté la méthode de Phokion Heinrich Clias. Ce professeur de gymnastique est le premier à avoir préconisé l’éducation physique dans les écoles en Suisse. Dans son Traité élémentaire de gymnastique rationnelle, hygiénique et orthopédique publié pour la première fois en 1819, Clias insiste sur l’importance d’apprendre à nager. Afin de progresser rapidement malgré la courte durée des étés dans nos contrées, l’élève débute hors de l’eau, suspendu en l’air par des cordes. Après quelques leçons, il s’entraîne dans la piscine, toujours aidé d’une ceinture. Si l’apprenti nageur s’applique, dès la 8e leçon il pourra nager en liberté dans le bassin.

Ce livre est conservé aux côtés de plus de 17'300 autres volumes dans le fonds ancien de la bibliothèque. Ceux-ci sont régulièrement présentés lors d’expositions ou de visites et sont consultables sur rendez-vous. Pour ceux dont l’intérêt a été éveillé, quelques livres anciens sont  exposés chaque mois dans des vitrines à la bibliothèque.

Natation

Les licornes auraient-elles existé?

Les licornes auraient-elles réellement existé ? Jusqu’au 19e siècle, on retrouvait ces bêtes fabuleuses dans les encyclopédies d’histoire naturelle, aux côtés d’animaux bien réels. La licorne présentée dans le recueil Les quadrupèdes : en quatre-vingt planches, représentant trois cents espèces et variétés, imprimé en 1795 en Allemagne, a une apparence légèrement différente de celle qu’on lui prête aujourd’hui : elle semble dotée d’une queue de cochon, de pattes de chameau et d’une crinière de lion. 

Ce livre zoologique fait partie des plus de 17'300 volumes conservés dans le fonds ancien de la bibliothèque. Le fonds a été constitué dès 1763 grâce aux dons d’argent et de documents offerts par de généreux bienfaiteurs. Mais les dons faits à la bibliothèque au 18e siècle ne se limitaient pas aux livres et à l’argent : elle reçut également un certain nombre de curiosités naturelles, telles qu’un demi-crocodile ou une collection de minéraux. Ceux-ci deviendront les tout-premiers objets de la collection du Musée d’Yverdon. Les livres anciens de la bibliothèque sont régulièrement présentés lors d’expositions ou de visites et sont consultables sur rendez-vous. Pour ceux dont l’intérêt a été éveillé, quelques livres anciens sont présentés chaque mois dans des vitrines à la bibliothèque.

Les licornes auraient-elles existé?

Le lac d'Yverdon

Le nom du lac de Neuchâtel semble aujourd’hui indiscutable, mais il n’en a pas toujours été ainsi, comme on le voit sur cette carte de 1801. A cette époque, l’appellation « lac d’Yverdon » était également possible ! La carte est extraite de l’Atlas suisse, aussi dite Atlas Meyer-Weiss, qui fut imprimé entre 1786 et 1802. Celui-ci resta l’atlas le plus précis du pays jusqu’en 1845.

Parmi les 7300 titres d’avant 1900 conservés dans le fonds ancien de la Bibliothèque publique et scolaire d’Yverdon-les-Bains, 455 concernent la géographie ou les voyages, dont plusieurs atlas. Cette collection d’atlas regroupe certains des livres les plus volumineux du fonds ancien : l’Atlas Meyer-Weiss, par exemple, mesure 59 centimètres de large et 80 centimètres de long. Les livres anciens de la bibliothèque sont conservés dans un local climatisé à 18° C avec une humidité comprise entre 40 et 60 %. Ces conditions sont nécessaires pour éviter la dégradation des documents. Les livres sont régulièrement présentés lors d’expositions ou de visites et sont consultables sur rendez-vous. Pour ceux dont l’intérêt a été éveillé, quelques livres anciens sont présentés chaque mois dans des vitrines à la bibliothèque.

Lac d'Yverdon

Orthopédie

La lecture dans une mauvaise position peut être nuisible pour la santé. Heureusement, ce livre de 1743 vous indique la bonne posture à adopter pour bouquiner ! L'orthopédie : ou l'art de prévenir et corriger dans les enfans les difformités du corps, le tout par des moyens à la portée des pères et des mères, et de toutes les personnes qui ont des enfans à élever a été écrit par le médecin Nicolas Andry De Boisregard inventeur du mot « orthopédie ».

Ce livre est l’un des plus de 500 ouvrages de médecine antérieurs à 1900 qui font partie du fonds ancien de la Bibliothèque publique et scolaire d’Yverdon-les-Bains. Cette collection a été débutée en 1761 lors de la création de la Société économique d’Yverdon. Ce groupe de notables yverdonnois se réunissait pour travailler sur des sujets touchant notamment à l’agriculture, l’économie et le commerce. Il entreprit également de constituer une bibliothèque afin de disposer de livres utiles à ses recherches et créer une bibliothèque publique pour la ville. La bibliothèque possède encore aujourd’hui les livres acquis à cette période et les met à disposition du public sur rendez-vous. Pour ceux dont l’intérêt a été éveillé, quelques livres anciens sont présentés chaque mois dans des vitrines à la bibliothèque.

Orthopédie

Des nouvelles de la bibliothèque

Quoi de mieux pour trouver de l’eau, des trésors ou des criminels en fuite qu’une baguette divinatoire ? Grâce aux explications du livre La physique occulte ou traité de la baguette divinatoire de 1722 que vous trouverez à la bibliothèque, tout cela sera bientôt à votre portée !

Fondée en 1761, la Bibliothèque publique et scolaire d’Yverdon-les-Bains possède encore les tout premiers livres acquis à cette époque. Ceux-ci font partie des plus de 17'000 livres imprimés entre 1495 et 1900 qui constituent son fonds ancien. Des traités scientifiques aux récits de voyage en passant par la littérature, l’histoire et la religion, les sujets présents dans le fonds sont très variés et certains ouvrages sont d’une grande rareté. Ces livres sont conservés dans un local dont l’humidité et la température sont contrôlées et sont consultables sur rendez-vous. Pour ceux dont l’intérêt a été éveillé, quelques livres anciens sont présentés chaque mois dans des vitrines à la bibliothèque.

Baguette divinatoire